Dans ces endroits la Grande Muraille de Chine épouse impitoyablement les crêtes et falaises des montagnes escarpées.
Voilà longtemps qu’elle flottait dans nos esprits tel un mirage : la Grande Muraille de Chine, immense serpent de pierre de 2 000 ans façonné par des millions d’hommes. La première image qui vient souvent en tête est celle de ces remparts taillés à la perfection dont l’ivoire éclatant court sur les paysages. Pourtant, cela ne concerne que 30% de la Grande Muraille de Chine. Nous voulions découvrir le reste : les parties sauvages non-restaurées, celles où la nature a repris ses droits et où on revit le passé, où les pierres millénaires portent les marques du temps et les murs se sont parfois effondrés.
Dans ces endroits la muraille épouse impitoyablement les crêtes et falaises des montagnes escarpées. On comprend vite que c’est le genre d’édifice grandiose qui ne se visite pas… Mais se conquiert.
CE QUE TU TROUVERAS DANS CET ARTICLE
→ Le récit qui présente notre première aventure sur les parties sauvages non-restaurées de la Grande Muraille de Chine : découverte de nuit, bivouac et trek d’une journée au fil d’une section étonnante.
→ Un lien vers notre article pratique « Conseils & bonnes pratiques pour explorer les sections sauvages » qui vise à t’aider à préparer ta propre aventure tout en sensibilisant à la préservation de cet édifice à la valeur universelle exceptionnelle.
DE LA FOLIE URBAINE de Pékin À L’EXPÉRIENCE SOLITAIRE.
Nous ne sommes qu’à 40km de Pékin, ville parmi les plus peuplées au monde, et pourtant nous nous apprêtons à vivre une des expériences les plus solitaires de notre voyage. Voilà longtemps que nous rêvions d’admirer cet édifice renversant ayant donné naissance à tant de légendes et d’histoires, en sachant qu’il existait encore des parties « originelles » (ni rénovées ou aménagées afin d’accueillir les visiteurs). C’est ainsi que ce sont organisés quatre jours à arpenter les pierres millénaires, dont 2 encore plus intenses que l’aventure dont on te partage ici le récit, avec pour seule compagnie notre tente et notre sac-à-dos.
Accessible à tous… Mais n’engage que toi.
Garde en tête que ce récit te dévoilera les sections non restaurées de la Grande Muraille de Chine. Elles ne sont pas interdites mais déconseillées pour des raisons évidentes de sécurité. Parfois ici le mur ne tient qu’à une pierre. De même si tu souhaites t’y aventurer, prend en compte les panneaux aux entrées intimant de protéger ce précieux héritage en conservant tes déchets et en n’allumant aucun feu sauvage. La règle d’or : ne laisser aucune trace de son passage.
JOUR 1. Découverte d’un édifice millénaire à la belle étoile.
13h00 – Cap au Nord, vers les montagnes, pour le trek le plus original de notre vie.
Nous quittons Pékin avec un peu de retard. Les transports s’enchaînent et bientôt, à la vitre de notre bus, les crêtes qui ont façonné la Grande Muraille de Chine apparaissent comme des mirages. Nous arriverons d’une minute à l’autre. Et au vu de l’heure l’aventure commencera de nuit, bien qu’on voulait éviter cette arrivée dans un noir total.
19h00 – Noir total en plein cœur de la Chine.
Nous découvrons que le petit village qui doit nous ouvrir les portes de cette partie sauvage n’a pas le privilège de bénéficier de l’électricité, au moins pour cette nuit. Depuis l’endroit où le bus nous dépose, nous nous frayons un chemin dans les ruelles de poussière, à la lumière de nos lampes frontales et des cartes que nous avions préparées sur nos téléphones. Nous croisons plus de chiens errants que d’habitants et leurs aboiement sont les seuls à résonner dans le silence de la nuit. L’ambiance est un peu… Lugubre, alors que nous essayons de trouver l’entrée du petit sentier qui devrait nous permettre de grimper jusqu’aux remparts de la Grande Muraille de Chine.
On pense que c’est chose faite. Quelques minutes plus tard, seules de larges encoches creusées dans la terre mêlées d’une végétation plutôt dense défilent sous le halo de nos lampes. On grimpe, de plus en plus. Et tout-à-coup le sentier s’arrête net : on doit relever la tête. Elle est là : la petite porte de pierre qui donne accès à la Grande Muraille de Chine. L’entrée se dévoile sous le faisceau de lumière et les légères angoisses vécues lors de la traversée du village disparaissent. Il est difficile d’exprimer à ce moment là l’excitation qu’on ressent à l’idée de fouler pour la première fois ces pierres légendaires.
Nous y sommes : on éteint nos frontales.
Plus de lumière, plus de bruit. Au fur et à mesure que nos yeux se font à l’obscurité, les parties sauvages de la Grande Muraille de Chine apparaissent sous la pâle lueur de la lune.
On ne peut résister à l’envie de marcher quelques temps sur cet édifice mythique révélé naturellement par le pâle halo. La blancheur lunaire donne au moment une dimension mystique comme elle seule sait le faire. Néanmoins, on ne traîne pas trop, rien ne sert de parcourir la muraille de nuit : outre le côté dangereux, il est aussi dommage de se priver des paysages. Nous partons à la recherche d’un endroit où installer notre tente sans gêner le passage d’éventuels visiteurs ou risquer d’endommager des parties fragiles. Les 8 kms qui nous séparent de notre point d’arrivée se feront demain.
Dormir sur la Muraille ?
C’est formellement interdit sur les sections touristiques dont l’accès est réglementé. En revanche, c’est toléré sur ces parties sauvages. Cette pratique n’était auparavant pas courante mais de plus en plus d’agences touristiques se mettent à proposer cette expérience. Si tu y vas par toi-même, sois discret.e et respecte les règles de bon sens comme pour les Parcs Nationaux : installation du campement tard et levé tôt, respect de l’environnement, pas de feu, ne laisser aucune trace… et tu pourras profiter d’une nuit inédite dans un endroit fabuleux.
JOUR 2 – Découverte des renversantes parties non-restaurées
6h15 – Réveil aux aurores
Contrairement à ce qui avait été annoncé la nuit a été douce et nous avons incroyablement bien dormi. Après une super expérience de nuit, nous avons la tête pleine de rêves et sommes impatients de découvrir enfin les paysages qui nous entourent ! Nous n’avons pas été déçus de la surprise :
Alors que nos yeux parcourent doucement l’horizon on se rend compte du chemin parcouru la veille de nuit. Lorsqu’on se retourne, on savoure celui qui nous attend aujourd’hui : un peu moins de 10kms pour rejoindre le prochain petit village connu pour abriter des parties totalement immergées de la Muraille. Vous avez bien lu : à cet endroit… Le serpent de pierre plonge littéralement dans un grand lac.
7H30 – On lève le camp.
On ne traîne pas, à la fin de la journée nous aurons deux nouveaux bus à prendre pour explorer un autre bout du ruban de pierre connu pour être parmi un des plus redoutables. C’est maintenant que nous disons adieu aux sols plats, aux raccourcis et aux chemins qui contournent les difficultés, aux ponts et tunnels qui s’affranchissent du dénivelé : ici la muraille épouse impitoyablement les crêtes et falaises des montagnes escarpées.
On s’aperçoit vite que c’est le genre d’édifice grandiose qui ne se visite pas… Mais se conquiert. Brutes, sauvages, escarpées : les parties non touristiques ne sont pas faire pour être agréables mais selon leur dessein d’origine, intimider et protéger. Comme pour respecter leur vocation de l’époque des guerres elles donnent dès le départ la difficulté à affronter : il va nous falloir tout descendre à pic… Pour tout remonter. Au loin, nous apercevons une section qui semble encore plus délabrée : là-bas les murs semblent s’être écroulés et les pierres avoir été absorbées par la végétation. Nous en aurons bientôt le cœur net.
Les premiers escaliers tombent à pic et remontent en flèche. Ils sont des points de vue exceptionnels sur tout ce que nous aurons à traverser. Néanmoins à ce moment-là ce n’est pas la difficulté qui nous saute aux yeux… Mais la beauté. Les murs beige ivoire sont là depuis des millénaires mais fendent toujours la nature avec autant de prestance. En cette saison (septembre), les alentours se sont parés de jolies teintes mêlant le vert, brun et doré. Grimpant, descendant, se tordant parfois : le ruban de pierre court sans éviter les moindres difficultés que lui imposent les crêtes des montagnes.
On arpente cet édifice sans relâche, admirant chaque tour de guet que nous devons traverser. Parfois certaines sont fendues sur toute leur hauteur et dévoilent des parties de la muraille que la nature envahi peu à peu.
Au fil des kilomètres on apprend à force de concentration à éviter les pièges qui pimentent l’aventure : des escaliers qui s’effritent, des pierres qui roulent sous nos pieds, des empilements instables sensés nous aider à escalader, ou même des portes qui mènent droit au vide.
Nos sacs ne passent pas toujours dans les endroits étroits ou par les portes dans lesquelles nous devons nous faufiler. D’autres fois, ce sont carrément les buissons ou les branches des arbres qui s’y agrippent et nous retiennent. Et enfin, on apprend à nos dépends que les paysages sont grandioses… Mais qu’il ne doivent pas nous empêcher de toujours regarder où nous mettons les pieds, cf dernière photo : « Maxime, reste concentré! ».
Un rythme s’installe et nous prenons plaisir à chaque nouveau pas posé, chaque tour traversée, chaque regard en arrière pour contempler le chemin arpenté.
11h00. Nous n’étions pas prêts
Alors qu’on escalade notre énième tour (celle-là est particulièrement haute et les éboulement nous obligent à escalader le sommet pour la traverser) on se retrouve figés face au paysage que nous apercevons en haut : un immense lac azur dans lequel se jette la Grande Muraille de Chine. Nous savons que cette étendue marque la fin de notre randonnée : par la petite ouverture au rez-de-chaussée de la tour nous observons la section suivante qui émerge du lac : une partie touristique entièrement rénovée.
Notre section s’achève donc ici : là où les murs anciens plongent irrémédiablement dans le lac d’un bleu profond pour ressortir de l’autre côté flambant neufs. Si nous avions accédé librement à cette partie, nous ne pourrons pas en faire de même pour la suivante : l’accès est contrôlé et payant (40 yuans, soit environ 6 euros, pour parcourir 4km). Il ne nous reste qu’à entamer notre descente, entre forêt colorée et lac à l’ambiance paisible. De notre point de vue, nous avons l’impression de foncer droit vers les profondeurs azurs.
Parfois la Grande Muraille de Chine est trop sérieusement endommagée et tombe à pic, il serait suicidaire de continuer. Dans ces situations, cherche les rubans rouges et or : ils te permettent de trouver des sentiers alternatifs et de rejoindre les villes et villages.
12h00 – Retour à la civilisation.
Le dépaysement est là et le sol nous paraît… Incroyablement plat ! Alors que nous déambulons dans les petites ruelles en direction de l’unique station de bus, les 25° commencent à se faire pesants et nos réserves d’eau sont au plus bas. Mais nous trouvons le Graal : une petite épicerie où la bière de 500ml est vendue pour 6 yuans (soit 0.80€). On te laisse imaginer le bonheur qui nous saisit à ce moment-là.
Il ne nous reste plus qu’à prendre les bus* qui nous mèneront aux portes d’une nouvelle aventure. Là-bas se dresse une section qui éveille la peur dans les yeux des habitants lorsqu’on en prononce le nom et réputée pour être la plus dangereuse de la Grande Muraille de Chine.
* Tu pourras rencontrer des taxis souvent très insistants qui proposent des prix ahurissants et te diront que ton prochain bus ne sera là que dans 3h, ou n’arrivera pas (c’est faux). Les trajets coûtent à peine quelques euros avec la petite IC card que tu peux te procurer facilement en gare routière à Pékin : on te détaille tout ici.
POUR CONCLURE
C’est l’histoire d’une arrivée tardive et angoissante sur des murs millénaires qui s’est transformée en incroyable expérience. Si tu adores les bivouacs et paysages sauvages, fonce ! Nous avons vu pour la première fois de notre vie cet édifice légendaire sous la lumière de la lune : c’était magique, on ne trouve pas d’autres mots. Si tu souhaites découvrir les parties confidentielles et sauvages de la Grande Muraille de Chine, relever un petit défi sportif et en prendre plein les yeux depuis les tours abandonnées, n’hésite plus.
Merci d’avoir voyagé avec nous à travers ce récit d’aventures.
Vivre une telle expérience nécessite de s’y préparer : pour ta sécurité et afin de ne pas avoir d’impact négatif sur ce patrimoine exceptionnel, il appartient à chacun de le préserver. Tu trouveras tous nos conseils pratiques dans notre article « Conseils & bonnes pratiques pour explorer les sections sauvages ».
Nous espérons que tu as apprécié ce moment et qu’il t’a permis ne serait-ce qu’un peu de t’échapper… Au-delà des murs. On sera heureux que tu nous fasses part de tes remarques et questions en commentaire, nous répondons toujours.
C’est impressionnant quand je lis votre article et je ne pensais pas que Pékin se trouvait à seulement 40 km, lol. C’est beau de se réveiller avec une si jolie vue sur la Grande Muraille de Chine, lol. En plus, le fait que tout soit si calme doit être apaisant.
C’était un peu un rêve / challenge pour nous de dormir sur ce monument légendaire, ce matin là c’était presque aussi fort qu’un 25 décembre haha
C’est magnifique de réaliser ses rêves, profitez à fond de tous ces moments 🙂
Vos photos sont incroyables ! Celle du réveil avec la tente et la muraille m’a donné envie d’y aller dès maintenant 🙂
Bravo pour votre article !
Merci beaucoup Sarah, ça été un souvenir tellement fort pour nous !
Hello ! Questions un peu logistiques… Vos tentes et duvets, vous les avez amenés depuis la France ? Et quel est ce village à partir duquel vous avez débuté cette première aventure ? Merci d’avance ????
Hello
Oui depuis la france pour l’équipement, pour le village il faut que je recherche 🙂
Salut, je m’apprete à partir sur cette route aussi 🙂
Si jamais vous auriez en tete le nom du tronçon que vous aviez parcouru, je suis preneuse !
J’imagine que c’est de Mutianyu/Jiangkou ou Simatai/jingshangling/Gubeiku ?
Merci d’avance !
Hello !
Alors nous c’était Jiangkou du coup, une section très très sauvage, depuis ces 6 dernières années nous n’avons pas eu d’update concernant l’état de la muraille, prudence 🙂