*BASED ON TRUE STORIES |
Asanka, Sri Lanka

Chroniques d'une humanité confinée.

En plein confinement,
la série qui se tourne vers les autres.

Asanka a 28 ans, il est sri lankais. Il partage depuis toujours son quotidien avec sa mère, son père et sa grand-mère dans un tout petit village que même avec des coordonnées GPS, nous avions eu bien de mal à trouver. En voyant les conditions modestes dans lesquelles vit Asanka, la plupart dirait qu’il n’a pas grand chose. Ce qu’on adore chez lui justement, c’est qu’il juge qu’il a tout.

Jusqu’à maintenant il aidait sa famille dans les champs. En parallèle, il assurait bénévolement des cours d’anglais au sein de la petite école de son village, persuadé que l’avenir de ces enfants dépend de leur capacité à s’exprimer dans cette langue. Désormais comme beaucoup de sri lankais, Asanka s’est tourné vers le secteur du tourisme pour pouvoir subvenir à ces besoins : il a du quitter ses élèves pour gérer les réservations d’un hôtel 3*, mais il s’estime chanceux d’avoir du travail. Pour le résumer en quelques mots, nous dirions qu’il fait partie de ces personnes qu’une fois rencontrées on n’a plus envie de quitter. Le genre qui est heureux de dormir à même le sol pour laisser son lit à deux étrangers.

Avec honnêteté, modestie et beaucoup de sagesse, Asanka témoigne ici de la fermeté dont son gouvernement fait preuve dans un pays pourtant bien moins touché que le nôtre. Il nous parle des restrictions auxquelles lui et sa famille font face, de la façon dont la religion s’empare de la pandémie… Et de ses propres convictions.

Ce que tu trouveras dans cet article :
Le témoignage d’Asanka, qui nous emmène le temps d’un article dans son pays, le Sri Lanka.
→ La façon dont nous l’avons rencontré.

Les liens vers les autres témoignages de la série « *Based on true stories », lorsque chaque jour ceux-ci paraîtront :
> Pavel, Russie | Tseegii & Zaya, Mongolie | Geoffrey, Japon | Biplav & Dipesh, Népal | Yana & Maxime, Corée du Sud


« Cette pandémie nous fait prendre conscience de trois choses :
1. L’argent n’a pas de valeur.
2. Nous ne pouvons échapper à notre Karma.
3. Les gens devraient être riches de sentiments,
d’expériences et d’émotions. Pas d’argent. »

Là où
tout a commencé.

Nos premiers échanges avec Asanka se sont faits entre2sacs de riz : on se souvient de ce moment où nous l’avions aperçu assis à l’arrière de la camionnette familiale au retour des champs. Avant toute présentation, il avait fallu le regarder en silence décharger les énormes sacs. Entouré de ses cousins, il s’était fait un point d’honneur à refuser notre aide. Une fois l’opération terminé, il nous avait chacun apporté une chaise en plastique pour qu’on s’assoie. « Attendez, je vais vous chercher du thé. Il nous faut du thé d’abord ! ». Et c’est ainsi qu’on s’est retrouvé une tasse de thé sucré à la main sur nos deux chaises en plastique, entourés de Sri Lankais qui ne parlaient pas notre langue et d’une dizaine de sacs de riz.

Nous ne devions passer qu’une seule nuit chez Asanka, qui avait accepté de nous héberger. Nous avons finalement passé plusieurs jours avec lui et il a changé le cours de notre voyage au Sri Lanka. Nous vous l’avions dit : il fait partie de ces personnes qu’on rencontre et qu’on est ensuite incapables de quitter. Les journées passées avec lui en compagnie de sa famille, les couchers de soleil sur les rives du lac de son enfance et les cours d’anglais donnés aux enfants de son école resteront des souvenirs impérissables.

Tu es bien installé.e ?
On te laisse maintenant avec Asanka.

Peux-tu nous parler de la situation du Sri Lanka face à cette pandémie ?

« Elle est meilleure qu’en Europe*. Au vu de notre situation sanitaire et des catastrophes qui se déroulaient dans les autres pays, notre gouvernement a très vite pris des mesures pour ne prendre aucun risque : le pays a fermé ses frontières tôt et de manière très stricte. Depuis, tout est fermé ici. Nous avons pour ordre de rester chez nous jusqu’au jour où on nous dira qu’on peut sortir. Si nous sommes surpris dehors, nous devons payer une amende et les autorités nous confisquent notre véhicule. Nous avons un gouvernement autoritaire qui veille à ce que toutes les mesures soient appliqués à la lettre… Ils testent également beaucoup de monde.

En ce qui concerne les écoles, la situation est assez inégalitaire… Certaines font leur cours par WhatsApp, des video calls, d’autres envoient les devoirs par courrier… Mais d’autres comme celle de mon village sont totalement fermées, et rien n’est assuré. Tous les 3 jours, nous avons de l’eau et des denrées essentielles qui sont déposées devant nos maisons. Des infirmières viennent aussi nous ausculter, un par un. A la télé le sujet du virus et des gestes barrière tourne en boucle sans cesse, pour éviter d’être contaminé ou de se contaminer les uns les autres. Les opérateurs mobile nous ont également donné des cartes de rechargement gratuites pour qu’on puisse accéder à Internet sans sortir de chez nous. Tout un tas de chanteurs sortent des chansons pour unifier le pays et chaque leader religieux n’arrête pas de clamer que seule sa religion pourra sauver la population. »

* On dénombre 237 cas, 7 décès et 63 guéris du Covid-19 au Sri Lanka (selon les chiffres du 15 avril 2020 de l’Epidemiology Unit, Ministry of Health, Sri Lanka).

Beaucoup croient en la religion contre le Covid-19 ? Toi, qu’en penses-tu ?

« Beaucoup de gens s’en remettent à la religion ici au Sri Lanka. Tous leurs gestes, toutes leurs actions sont dictés par ce que leur leader religieux leur dit. Cependant, en temps de confinement, nous devons passer outre certaines règles : comme aller prier en groupe aux temples par exemple. Lors des funérailles, nous ne pouvons plus prier pendant longtemps comme nous le faisions. Le gouvernement nous oblige à brûler rapidement tous les corps.

Personnellement, je pense que si la situation du Sri Lanka face à la pandémie est meilleure qu’en Europe c’est parce que nous avons fermé tôt nos frontières. Mais je pense aussi que notre climat y fait beaucoup : il fait très chaud, tout le temps. Cette chaleur aide contre le virus, elle contraint sa propagation. En plus de ça, nous buvons chaud et mangeons très épicé tous les jours, c’est un prolongement de cette chaleur dans notre corps et nous croyons en cette efficacité. Enfin, au Sri Lanka nous avons aussi beaucoup de boissons à base d’herbes (je pense que vous avez déjà entendu parler de la médecine Ayurvédique ?). Tout le monde boit ça pour avoir plein d’énergie, parce que nous pensons que le virus n’attaque que les plus faibles. »

Comment les mesures strictes sont-elles perçues par la population ?

« Et bien… Les gens les plus éduqués, qui ont une bonne situation, sont toujours respectueux des règles. Mais ce n’est pas vrai pour tout le monde. Il y a beaucoup de gens qui ne comprennent pas. Beaucoup qui ne veulent pas… Et d’autres qui n’en ont carrément rien à faire. Au début, ça a été très compliqué. Désormais, nous avons trouvé une meilleure dynamique et les gens respectent davantage les règles.

C’est étrange, ça a même des effets positifs sur certains. C’est une chose que j’ai remarquée chez les gens ayant des addictions par exemple : ceux qui ont des problèmes avec l’alcool, les drogues, etc. Auparavant, ces gens soutenaient qu’ils ne pouvaient pas arrêter. Or depuis que ces personnes sont confinées, étrangement, ils vont beaucoup mieux. Parce que le fait d’être strictement bloqués à la maison ne leur laisse pas d’autres choix que de couper court à leurs addictions. C’est le cas pour mon père, qui auparavant avait absolument besoin de fumer toutes les heures. Avec le confinement il a été obligé de se passer de cette “drogue”. Désormais, il ne fume plus, il n’en ressent plus le besoin et dit même ne pas vouloir reprendre quand on pourra à nouveau sortir. »

Comment envisages-tu le futur ? Est-ce que cela te fait peur ?

« Honnêtement, j’ai eu peur pendant un moment. D’autant que j’ai l’habitude d’héberger des étrangers. Il y a un peu plus d’un mois j’avais hébergé un couple d’italiens, ce qui a fait très peur à ma famille, à mes voisins (je suis le seul dans notre village à être de temps à autres en contact avec des étrangers…). Depuis j’ai bien-sûr dû arrêter, cependant ma famille et moi continuions toujours d’être effrayés par ce virus. Et pourquoi ne le serions-nous pas, après tout ?

C’était donc mon premier ressenti : la peur. Mais j’ai fini par penser différemment. Aujourd’hui, je me dis que cette situation est là parce qu’elle devait arriver et que c’est juste la suite normale des choses. Je pense que l’humanité avait besoin qu’on lui rafraîchisse l’esprit. Je crois beaucoup au karma et je continuerai de croire que tout ce qui nous arrive est soumis à sa loi : nous ne faisons que récolter ce que nous avons semé. 

Le point positif est que cette pandémie nous fait prendre conscience de trois choses :
1. L’argent n’a pas de valeur.
2. Nous ne pouvons échapper à notre Karma.
3. Les gens devraient être riches de sentiments, d’expériences et d’émotions. Pas d’argent.

Il y a beaucoup, beaucoup de choses à dire par rapport à tout ça. Ni mon anglais, ni mon niveau d’instruction ne me permettent d’en parler suffisamment en profondeur. »

Nous avons demandé à Asanka s’il souhaitait ajouter quelque chose à son témoignage :

« Oui ! J’ai une anecdote plutôt drôle à raconter. Je suis bloqué chez moi et mes cheveux poussent à toute vitesse (et même si j’avais pu sortir, j’aurais de toute façon eu trop peur de le faire), donc j’ai entrepris de me faire moi-même un spécial « hair style ». Comment dire… C’était finalement pas aussi stylé que je l’avais imaginé. Pas du tout même. Du coup, j’ai du tout couper : résultat ? Voilà la tête que j’ai maintenant ! »


Ecouter, apprendre, partager, relativiser.
S’évader.

Ce témoignage appartient à Asanka et à lui seul, il ne saurait être jugé. Pour chaque personne dans le monde et pour chaque pays la situation est différente. Il ne s’agit pas ici d’imposer des idées mais de partager des opinions, des réalités et des façons de penser.

Dans une période où nous nous retrouvons tous face à nous-même cette série est faite pour s’ouvrir aux autres : écouter, apprendre, partager, relativiser… et s’ouvrir l’esprit. Finalement, faire ce dont le voyage nous offre l’opportunité : s’évader tout en s’enrichissant les uns des autres.


Et la suite ?

La suite se passe au Népal, en Chine, en Corée du Sud, au Japon, en Mongolie, au Vietnam, en Russie. Chaque jour, un nouveau témoignage paraîtra ici, sur « *Based on true stories« .

En attendant demain, vous pouvez vous évader avec les autres histoires que nous avons à vous raconter.

N’hésite pas à nous partager tes ressentis, ta propre situation, tes pensées, tes questions en commentaire de cet article. Nous répondons toujours, et nous pouvons même poser tes questions à Asanka.

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2 Commentaires

  1. Bonjour Delphine et Maxime 🙂
    c’est toujours un plaisir de lire vos reportages. Le témoignage de Asanka est touchant. Il ne se trouve pas assez « instruit » pour discuter de la situation mais au contraire , nous le trouvons très juste et empli de bon sens. Nous ne connaissons pas le Sri Lanka, mais nous avons une approche de l’Inde et nous retrouvons toute la sagesse et l’esprit de ce pays si proche. Ce témoignage est d’une grande Valeur ! Ce serait un grand plaisir de découvrir cette île jusqu’au village qui n’apparaît même pas sur un gps de Asanka.
    PS : dites lui que ce n’est pas grave sa coupe la boule à zéro, ça lui va bien aussi et de toute façon les cheveux repousseront très vite ;-). Bises de loin
    Sandrine et Luc

    • Tout-à-fait, et merci de le souligner. Asanka a été très modeste en disant, au contraire nous aussi nous trouvons qu’il nous en apprend tellement. Nous ne lui avons dit.
      Le Sri Lanka est effectivement très, très proche de l’Inde culturellement. Vous retrouveriez beaucoup d’aspect je pense.
      Nous lui transmettons le message pour sa coupe haha ! ça nous a fait si drôle de le voir comme ça alors qu’on l’a connu avec tous ses cheveux.
      Prenez soin de vous, merci pour votre retour sur ce témoignage 🙂

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