En plein confinement,
la série qui se tourne vers les autres.
Comment la Corée du Sud, pourtant second foyer de la pandémie après la Chine, a-t-elle réussi à gérer la crise du coronavirus sans même qu’un confinement ne soit instauré ? « Si on pensait au début que la méthode était peut être un peu exagérée, je pense qu’on peut dire aujourd’hui que c’était la stratégie la plus adaptée« . Ces deux nouveaux témoignages nous plongent dans les coulisses d’un pays qui a été l’un des plus efficaces au monde face à la pandémie.
Yana et Maxime vivent depuis 3 ans en Corée du Sud. Maxime travaille là-bas pour l’ambassade de France, c’est son métier qui les a amenés à s’expatrier. A travers leurs témoignages, ils nous font part d’une réalité étonnante qui s’oppose à tout ce que nous avons pu te partager jusqu’alors. Mais au-delà de ça, de l’alerte au sujet des cas de réinfection et de l’inquiétude – voir de la culpabilité – que Yana et Maxime ressentent vis-à-vis de notre situation en France, ils nous font part d’une réflexion importante au sujet du futur.
Ce que tu trouveras dans cet article :
→ Le témoignage de Yana & Maxime, qui nous emmènent le temps d’un article dans leur pays, la Corée du Sud.
→ La façon dont nous les avons rencontrés.
→ Les liens vers les autres témoignages de la série « *Based on true stories », lorsque chaque jour ou presque ceux-ci paraîtront :
> Pavel, Russie | Asanka, Sri Lanka | Tseegii & Zaya, Mongolie | Geoffrey, Japon | Biplav & Dipesh, Népal
« Nous aimerions tant observer un vrai changement post-coronavirus dans les manières de vivre, consommer et même de voyager afin de tirer une vraie leçon de la situation actuelle. »
Là où
tout a commencé.
Nous avons fait la connaissance de Yana et Maxime non pas en Corée mais au Japon. Grâce aux réseaux sociaux, ils se sont aperçus que nos voyages nous emmèneraient au même endroit, au même moment (et même au même match de la Coupe du Monde de rugby !*). Alors voilà : quelques messages échangés plus tard nous nous étions retrouvés un soir autour d’une table en plein cœur de Kumamoto, à manger des sushis, à parler de tout et de rien entre (ex) inconnus. Le lendemain, nous allions ensemble supporter l’équipe de France : on se souvient de l’entrain de Yana et Maxime, lorsqu’après nos Asahi partagées sur un parking et plusieurs chansons dans la voiture, on leur avait proposé de réaliser avec nous un #SLAchallenge assez symbolique devant le stade de Kumamoto. Plusieurs autres supporters français nous avaient rejoints et c’est ainsi qu’avec une quinzaine de personnes que nous ne connaissions pas, nous réalisions le dernier #SLAchallenge de cette première partie de l’aventure (nous sommes rentrés pour quelques temps en France juste après).
Nous avons beaucoup apprécié ces quelques moments passés avec eux. Maintenant que nos chemins se sont à nouveau séparés, nous continuons chacun à suivre les aventures des deux autres par le biais des réseaux sociaux : jour après jour, on découvre un peu plus la vie en Corée du Sud au travers de Yana et Maxime.
* France – Tonga, qualifications pour les quarts de finale de la Coupe du Monde de Rugby, 06 octobre 2019, Kumamoto, Japon.
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→ Maxime, quelle est la situation en Corée du Sud ?
« En raison de sa proximité géographique et économique avec la Chine, la Corée a rapidement été le second foyer de contamination, dès le mois de février. Aujourd’hui, le pays compte environ 10 700 cas et 240 morts, grâce à la stratégie gagnante du gouvernement. Il y a moins de 20 nouveaux cas quotidiens depuis 2 semaines, soit beaucoup moins que le nombre de personnes qui sortent de l’hôpital. »
→ Quelle a été la stratégie du gouvernement coréen ?
« Le gouvernement coréen, grâce à son expérience du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) en 2015, était préparé à l’apparition d’une telle épidémie. Ils ont enclenché une stratégie de dépistage massif de la population (toute personne ayant des symptômes peut se faire dépister gratuitement, et chacun peut se faire dépister, même sans symptôme, pour moins de 200 euros). Le dépistage est rapide, 6h en moyenne. Le test peut se faire depuis votre voiture, en drive-through au bord des routes pour éviter les contaminations à l’hôpital. Plus de 15 000 personnes peuvent ainsi être dépistées quotidiennement.
Le 2e volet de la stratégie du gouvernement est le traçage : si une personne est testée positive, le gouvernement retrace ses déplacements sur les 2 dernières semaines, grâce à ses données personnelles (téléphone portable, transports en commun, carte bancaire, caméras de vidéosurveillance…) afin d’informer la population sur ses trajets et les lieux visités, et ainsi potentiellement identifier de nouveaux cas. Le gouvernement désinfecte également régulièrement tous les lieux publics et pousse les entités privées à faire de même. Yana a été forcée en urgence de quitter un centre commercial pour désinfection par exemple, car le gouvernement avait informé qu’une personne contaminée y était passée.
En clair, pas de confinement, mais toujours une recommandation de garder une distance sociale. Pour cela, la reprise des cours a été décalée à début avril et la plupart des lieux publics (bibliothèques, musées) ont été fermés. Le gouvernement a encouragé les lieux de divertissements privés (cinémas, salle de sport) à faire de même.
Enfin, si la plupart des pays avaient fermé leurs portes aux voyageurs en provenance de Corée du Sud lors de l’apparition du virus dans le pays en février, la Corée s’est toujours refusé à faire de même. Face à l’inversion de la situation (plus de cas en dehors du pays que dedans), toute personne entrant sur le territoire est désormais dépistée, et mise en quarantaine à l’aéroport le temps du résultat. En cas de résultat positif, la personne doit rester en isolement pendant 14 jours. »
→ Est-ce que la pandémie du coronavirus a beaucoup changé ton quotidien ?
« Ça ne change pas forcément notre quotidien. On reste un peu plus souvent à la maison, soit parce qu’on ne peut plus aller à la salle de sport ou au cinéma, soit pour respecter les règles de distanciation sociale. La plupart des festivals de rue sont annulés, ce qui est bien dommage en période de cerisiers en fleurs, mais totalement compréhensible. Au final ça ne nous a pas empêchés de partir une semaine en road trip dans le sud du pays puisque qu’il n’y a jamais eu de confinement en Corée. »
→ Comment ton pays vis la situation ? Les gens respectent-ils les consignes ?
« Ça a été un petit peu la panique au début, les rues étaient désertées. Mais le fait que nous ne soyons pas confinés rend les choses évidemment plus simples. Les Coréens portent souvent le masque et gardent par nature une distance, donc ce n’est pas très compliqué pour eux de respecter les règles. »
→ Est-ce que tout ça te fait peur ? Comment envisages-tu la suite ?
« La situation nous inquiète davantage pour nos familles et amis en France que pour nous-mêmes en Corée. Le système de santé est moderne et sûr. Le gouvernement a mis en place une stratégie efficace, et nous avons pleine confiance. Nous ne remettons pas du tout en cause notre expatriation dans le pays. Nous sommes chanceux, désormais la situation est non seulement stable, mais s’améliore.
Aujourd’hui les élections législatives se sont déroulés presque normalement (avec mesures sanitaires quand même) et la Corée est reconnue par la majorité des pays comme un exemple en matière de gestion de la crise : ils appellent ça la stratégie des 3T+P: tester, tracer, traiter et participation de la population (respect des règles, port du masque, etc.).
Notre plus grande inquiétude est pour la France : on espère que ça va finir par évoluer… Tu sais je bosse à l’Ambassade, donc on travaille pour que la France et la Corée coopèrent dans la gestion de la crise. On organise l’approvisionnement de la France en kits de test, en médicaments, depuis la Corée. »
Maxime a souhaité ajouter quelques mots à son témoignage et met en garde sur quelque chose dont on n’entend peu parler ici en France : les cas de ré-infection au Coronavirus.
« Ma soeur a eu tous les symptômes, mais n’a pas pu se faire dépister en France. Elle a guéri (chez elle)… Avant d’à nouveau d’avoir les symptômes ! Elle ne comprenait pas et son médecin non plus. Il faut savoir qu’en Corée on commence à avoir pas mal de cas de réinfection… C’était assez étrange et assez flippant je dois le reconnaître, d’avoir à transmettre des infos à ce sujet au médecin de ma soeur en France. »
Témoignage complémentaire de YANA
« En Corée nous n’avons pas eu à vivre des ruées sur le papiers toilettes ou les pâtes, mais plutôt sur les masques de protection ! Il a été très difficile d’en trouver au début de la propagation, donc le gouvernement a réglementé les achats, à deux par personne. Chacun devait aller les chercher dans une pharmacie désignée, à un créneau convenu (ce qui n’a pas permis d’éviter les longues queues !).
Comme la politique locale était la désinfection à tout va, j’ai été évacuée un peu dans la précipitation d’un centre commercial où un “contaminé” était passé faire du shopping un peu plus tôt avant d’être testé positif. Des annonces avaient sans doute été faites en coréen mais je n’écoutais pas plus que ça et je n’ai pu réagir qu’en voyant les gens se mettre à courir partout ! Les sorties du centre commercial avaient été bloquées avant que je ne puisse sortir. Un peu paniquée, j’ai finalement pu trouver une sortie et suis tombée sur une petite dizaine de caméras et de journalistes avec l’impression d’avoir échappé à un zombie.
Ce que j’ai vécu ce jour là illustre bien à quel point les coréens ont pris au sérieux ce virus. Dans la nuit le centre commercial a été désinfecté et il rouvrait dès le lendemain. Si on pensait au début que la méthode était peut être un peu exagérée, je pense qu’on peut dire aujourd’hui que c’était la stratégie la plus adaptée.
La Corée du Sud a très rapidement été le second foyer d’infection après la Chine, nos cas sont montés très vite mais le Gouvernement a également été rapide à réagir. Du coup, nous n’avons jamais eu de véritable inquiétude pour nous… Nous nous contentions d’obéir aux recommandations du gouvernement et évitions de sortir en pleine crise. Malheureusement, au bout de quelques semaines c’est l’Europe qui a été touchée et là nous avons découvert un autre type d’angoisse : nos familles sont en France et en Bulgarie et une partie de nos proches sont à risques. C’est dur pour nous de continuer à vivre normalement en ayant l’angoisse de voir un de nos proches tomber gravement malade alors que nous n’avons pas la possibilité de les rejoindre ou d’aider de quelque façon que ce soit, pas même en envoyant des masques par la poste puisque la Corée considère qu’il y a un risque de dérive en trafic et a interdit les envois de masques à l’étranger.
Quand je vois combien la France semble dépassée j’ai encore plus peur pour mes grands parents en Bulgarie. Je leur ai demandé de s’enfermer et de ne surtout pas prendre la situation à la légère. On vit donc un peu pendus à nos téléphones et on maudit pas mal le décalage horaire (+8h), je pense que nos familles n’en peuvent d’ailleurs plus de lire les messages où on leur dit de faire attention. Les apéros skype avec les copains sont sympas mais ils ne nous rassurent pas du tout sur la gestion de la crise en France.
C’est très paradoxal de se sentir à la fois chanceux, inquiets et presque coupables d’être à Séoul, alors que les gens qu’on aime eux ne voient pas encore le bout de la crise. Tomber dans la psychose en guettant les chiffres tous les jours et en essayant de d’accompagner psychologiquement la famille et les copains est assez facile. On essaie aujourd’hui de s’en détacher en gardant en tête que pour le moment nous sommes chanceux de n’avoir aucun cas grave dans notre entourage.
Nous avons donc choisi de ne pas plonger dans l’angoisse et au contraire de continuer à voyager pour découvrir la Corée, toujours en respectant les règles de distance sociale, et de partager plus encore plus de photos de nos petites escapades pour essayer de changer les idées des gens qu’on aime sur Instagram*. On imagine bien que l’enfermement commence à peser lourd, mais d’un autre côté, nous observons en première ligne certains des effets bénéfiques de toute cette situation… Séoul est une ville très polluée, surtout au printemps, mais cette année nous avons bien plus de belles journées claires que les années précédentes ; nous avons tous lu les articles parlant du retour d’animaux qui reprennent leurs droit sur la nature…
C’est facile pour nous de dire ça, puisque finalement malgré un mauvais départ, nous n’avons pas été sévèrement touché par le virus en Corée, mais nous aimerions tant observer un vrai changement post coronavirus dans les manières de vivre, consommer et même de voyager afin de tirer une vraie leçon de la situation actuelle. »
* Si tu veux voyager un peu du côté de la Corée du Sud ou suivre leurs nouvelles aventures au Canada, voici les comptes Instagram de Yana et Maxime.
Ecouter, apprendre, partager, relativiser.
S’évader.
Ces témoignages appartiennent à Yana & Maxime et à eux seuls, ils ne sauraient être jugés. Pour chaque personne dans le monde et pour chaque pays la situation est différente. Il ne s’agit pas ici d’imposer des idées mais de partager des opinions, des réalités et des façons de penser.
Dans une période où nous nous retrouvons tous face à nous-même cette série est faite pour s’ouvrir aux autres : écouter, apprendre, partager, relativiser… et s’ouvrir l’esprit. Finalement, faire ce dont le voyage nous offre l’opportunité : s’évader tout en s’enrichissant les uns des autres.
Et la suite ?
La suite se passe en Chine, au Népal, au Japon, au Sri Lanka, en Mongolie, au Vietnam, en Russie. Chaque jour ou presque, un nouveau témoignage paraîtra ici, sur « *Based on true stories« .
En attendant demain, tu peux t’évader avec les autres histoires que nous avons à te raconter.
N’hésite pas à nous partager tes ressentis, ta propre situation, tes pensées, tes questions en commentaire de cet article. Nous répondons toujours, et nous pouvons même poser tes questions à Yana et Maxime.